BLOG: Au fil des jours
Une trace
Je l’ai vu fin juin. Il était tombé du nid. Sans plumes, tout nu, fragile et bien sûr mort. Sur le goudron, au pieds d’un mur. Souvent je passais par là et je regardais s’il était toujours là. Je le voyais, je le saluais et j’emportais son image dans mon cœur. Il était sur le goudron, toujours aussi nu et fragile, mais bien là, immobile. Je remarquais que son corps se défaisait peu à peu et qu’il ne resterait bientôt plus que les os et quelques tendons.
A la mi-août, à mon retour des vacances, il était toujours là. Enfin, une forme ou un dessin de ses membres sur le goudron et les ailes. Malgré l’été pourri et les nombreuses averses violentes, il était là ce qui m’a rempli d’une grande émotion.
A travers ces semaines d’été il était devenu pour moi comme un mémorial de la vie qui va et qui vient et de la valeur de cette vie même chez les plus petites créatures.
Et j’ai pensé aux traces que laissent nos défunts, aux photos et aux objets que nous gardons, aux souvenirs dans notre mémoire et aux émotions dans notre cœur.
Ceux qui meurent sans avoir vécu ou presque, ceux qui disparaissent dans l’anonymat et dans la mer, tous laissent des remous, des images, des émotions. Nous ne pouvons pas les effacer de nos souvenirs.
Les défunts participent à la vie, à sa fragilité et à sa dignité. Ils sont des créatures divines. Dieu les englobe dans son amour, il prend soin de chacun, même des plus petits.
15 août 2021
Souffle
Le souffle de Dieu est sorti de son confinement. Il est libre, « il souffle où il veut et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va » (Jean 3,8). Le souffle de Dieu ne se laisse pas retenir par nos barrières ou par nos préjugés. Il souffle et veut conduire les hommes et les femmes auprès de Dieu.
A Pentecôte le souffle s’est manifesté de manière visible et bruyante. Tous pouvaient le voir et l’entendre. Les personnes présentes entendaient chacune le message dans sa langue maternelle : Jésus vivant, Jésus sauveur de chacun.
Grâce au souffle Dieu est tout à coup très proche, dans notre oreille, dans l’intimité de notre cœur. Il nous insuffle la conscience de la présence de Dieu dans nos regards, nos mots, nos gestes, dans notre propre souffle. Il est là, présence discrète mais combien intense et forte, indestructible, comme une semence. Il nous ouvre à cette vérité du salut en Jésus le vivant et de l’amour de Dieu pour toute l’humanité.
* * *
Des hommes et des femmes, souvent même des responsables d’églises, ont parfois cherché à canaliser le souffle de Dieu. J’allais dire le baptiser, lui donner un nom, le définir, le figer, l’attribuer à leur propre pensée, à leur théologie, à une église. Dans leurs réflexions, l’esprit était très saint et ils ont cherché à le retenir. Mais le souffle leur a échappé, comme le sable lorsqu’on cherche à le retenir dans nos mains. Il ne soufflait plus.
Personne ne peut arrêter
le souffle de souffler et lorsqu’on cherche à le diriger il souffle ailleurs,
autrement que prévu. Il est présent là où des hommes et des femmes s’engagent
et luttent pour l’amour et la vérité. La vérité et la force divine sont
imprévisibles. Elles amènent la délivrance, le renouveau. Il est impossible de
donner des limites à ce souffle, de l’enfermer dans nos théories et nos
croyances, de le canaliser. Cependant nous sommes tous les enfants du même
esprit, appelés à participer à sa création d’amour et de vérité.
* * *
Dans cette période déroutante que nous vivons, nous nous rendons particulièrement compte à quel point nous avons besoin de ce souffle, même si nous ne le voyons pas. De sa présence qui nous permet de respirer, de sa tendresse lorsque celle des autres est parfois lointaine, de cette espérance qui nous redonne vie. Nous pouvons nous ouvrir à lui, le laisser venir et nous habiter, être prêts à l’accueillir. Il vient sans que nous l’ayons cherché, de manière surprenante et précieuse, tout à coup nous sentons une présence comme une légère brise d’amour.
C’est le mystère et la plénitude du souffle. Il est subtil et fin, il est léger et souple, rapide et fidèle. Dans nos tourments et dans nos joies, il est ce vent dont nous ne savons pas d’où il vient, ni où il va, mais nous avons cette certitude qu’il nous entraine sur les chemins du Seigneur.
Après
Après, lorsque que la pandémie sera vaincue. Après, lorsqu’on cherchera à retrouver une normalité et à vivre.
Comment faire, pour ne pas retomber dans les mêmes erreurs, pour ne pas céder à une course effrénée en avant, où nous ne sommes préoccupés que par la consommation et les voyages, au détriment des pauvres et du climat. Comment faire pour ne pas foncer contre un mur, sanitaire, climatique ou social. Comment faire pour repartir sur des bases saines et équitables pour tous ?
Au fil des jours, de nombreuses personnalités s’expriment et proposent des solutions pour un monde plus juste, plus vert, plus social et vivable. Pour qu’on n’oublie pas le climat, ni les oiseaux et la biodiversité, ni les pauvres. Ils adressent des lettres aux puissants de ce monde, font des démarches et proposent des manifestations. Et c’est bien ainsi.
Parmi ces réflexions et ces démarches il y a eu celles d’Edgar Morin, de Paolo Giordano, de Nicolas Hulot, puis en Suisse l’appel du 4 mai et aussi la lettre du réseaux AVAAZ aux responsables européens. Il y en a d’autres encore.
Le covid-19 n’est pas tombé du ciel. Il n‘est pas envoyé par Dieu pour punir les humains ou pour leur envoyer un signe. Ce virus nous rappelle que nos vies sont fragiles et passagères et que nous dépendons tous les uns des autres. N’oublions pas que Dieu était présent avant la pandémie, qu’il l’est pendant la crise et après aussi, lorsque nous chercherons à retrouver des repères pour nous reconstruire. Dieu nous accompagne et nous éclaire tout au long de notre chemin. |
Les déclarations, les lettres, les manifestations, les démarches auprès des autorités ont bien sûr leur importance, mais elles restent comme de beaux principes suspendus en l’air. Pour leur donner corps et plus de crédibilité il importe que chacun, chacune fasse de petits changements dans sa vie, de petits engagements personnels. Par exemple :
· Consommer local, acheter en proximité
· Consommer les fruits et les légumes de la saison
· Être attentif aux autres et à leur souffrance
· Prendre du temps, sinon pour prier, au moins pour méditer et réfléchir
· Vivre selon la maxime de Kant : « Agis de telle sorte que chacun puisse aussi agir ainsi. »
· Renoncer à prendre l’avion
· Ne pas craindre le pire, mais être préparé
A chacun de découvrir, d’inventer, des gestes et des actions simples qui amènent un petit changement dans son et notre « univers » personnel ou/et collectif. C’est en vivant nous-mêmes ces changements dans notre quotidien que nous sommes le plus crédible, et sans doute aussi le plus efficaces.
8.5.2020
Libérés de la loi….
Nous sommes confinés. Isolés. Seuls, à deux ou en famille, chez nous, chacun pour soi. Nous savons ce que nous devons faire, nous laver les mains, mettre du désinfectant, sortir masqués, garder des distances avec les autres, ne pas voir ni nos parents, ni nos enfants, ne pas faire de courses, ni aller au restaurant, bref, rester pour nous seuls. En attendant des temps meilleurs, la victoire sur le virus, la fin du confinement, l’arrivée d’un vaccin ou d’une bonne thérapie…
Maintenant, tout est simple, nous savons ce que nous pouvons faire, ce que nous devons faire, ce qu’il nous est interdit de faire, nous savons même quelle punition nous attend si nous désobéissons : la maladie ou même la mort.
Lorsque le confinement sera terminé, la vie sera plus compliquée. Bien sûr nous aurons le droit de sortir, de saluer de près, faire des courses, bref, la vie redeviendra normale. Les obligations seront abolies, la loi sera abolie, nous vivrons sous le règne de la grâce et de la liberté. Sauf que nous ne saurons plus quoi faire pour bien faire et nous protéger de ce méchant virus. Nous serons livrés à nous-même pour organiser notre vie, décider le risque que nous voulons prendre ou faire prendre à d’autres, ou si nous voulons encore rester confinés volontaires à la maison. Et surtout, nous ne saurons pas comment être avec ceux que nous aimons : toucher, parler, bisou, santé. Se dire je t’aime sans se transmettre le mal.
Notre approche de la religion et de la spiritualité obéit à des règles semblables :
- Lorsque la vie religieuse est régie par des lois, des rites et des obligations, c’est facile. Le cadre permet d’affirmer une identité religieuse. Il permet de se situer, de dire voilà, je suis dedans, je fais partie de la communauté. Bien sûr il arrive je désobéisse aux lois et aux règles. Je fais une faute, je m’exclus. Mais si je le regrette, je peux confesser mon erreur, me repentir et retourner dans communauté.
- Par contre, si ma foi est basée sur la liberté et la responsabilité et qu’elle se vit dans une éthique personnelle, tout est plus compliqué. Je dois trouver mon propre chemin pour être avec Dieu, trouver ma spiritualité, mon éthique, ma vision de la vie et de la foi. Bien sûr l’enseignement de Jésus m’aide à cela, mais il ne m’oblige en rien, il ne me force à rien. Il est là comme un indicateur que je cherche à faire vivre en moi.
Le Christ nous appelle à la liberté. Nous ne sommes pas tenus par des lois et des règles qui nous enserrent et qui nous disent ce que nous devons faire ou ne pas faire. Avec lui nous pouvons devenir des hommes et des femmes libres et autonomes face à Dieu. Nous pouvons respirer sans contraintes et nous réjouir qu’Il nous ait créés comme les partenaires de sa création.
11.4.2020
Après Pâques
Après Pâques, c’est toujours Pâques. Jésus est sorti de la tombe. Il est sorti de son emprisonnement. Il est délivré, délié, libéré. Il est reparti dans la vie, cette fois totalement libre et sans aucune contrainte.
Ressuscité Jésus est toujours vivant. Il est délivré, libre, sans contrainte. Il ne retourne pas dans sa tombe. Il n’est plus enfermé, plus confiné. Il est ailleurs. La vie en Christ va de l’avant. Elle va vers un avenir, un avenir lumineux, libre, fraternel, harmonieux.
Sa vie terrestre nous a tous marqués. Son message d’amour, ses gestes de tendresse, son ouverture à tous, son soin des petits, son pardon, tout cela reste gravé dans nos mémoires. Sa souffrance aussi, si cruelle, si injuste, reste comme une cicatrice en nous. Pourquoi lui et pourquoi de cette manière si violente ?
Aujourd’hui il est délivré, vivant et nous aussi, libérés de nos peurs et de notre épouvante. Son souvenir est comme un jalon qui nous oriente et fortifie nos valeurs. Le soin des petits, l’ouverture et cet amour si large, le pardon dans la souffrance et l’espérance quand même. Nous le savons vivant et porteur de la vie pour chacun, une vie renouvelée, lumineuse, dans la confiance et la joie.
D’ici quelques semaines nous sortirons de nos confinements et de nos isolements. Nous serons délivrés, libres de nous rencontrer, de nous parler de près, de nous embrasser aussi. Il n‘y aura pas de retour, pas de nouveau confinement, pas de nouvelle épidémie, car le virus aura été vaincu. Pour nous ce sera une manière de sortir de la tombe, vivants, reconnaissants, joyeux.
Nous serons certainement encore longtemps habités par le souvenir de ces semaines où l’épidémie a sévi parmi nous. Nous penserons à ceux qui ont été malades, nous évoquerons le souvenir de ceux qui sont morts. Nous nous souviendrons de celles et de ceux qui ont soigné les souffrants, de ceux qui nous ont apporté le nécessaire, souvent au risque d’être infectés. Et nous frémirons sans doute en pensant à notre peur d’être malades ou même de mourir. Nous nous sentirons plus vulnérables qu’avant, nous garderons la conscience que nos existences terrestres sont éphémères.
Nous penserons bien sûr aussi à notre existence d’avant « l’avant ». Lorsque tout allait bien et que l’économie tournait à plein régime, que le ciel était sillonné par les avions et que nous pouvions faire tout ou presque dans une vie si belle et si légère. Sans nous rendre compte de notre dépendance aux autres, des injustices et de la dégradation de notre planète. Ou alors lorsqu’on y pensait, c’était une théorie, sans que cela touche notre propre chair.
Après l’épidémie et la peur, le confinement et l’isolement, la vie. Espérons que ce que nous aurons vécu ces dernières semaines ne nous pousse pas à chercher un retour à la frénésie et à une surconsommation à tout prix. Mais que la conscience de notre fragilité et de notre interdépendance nous pousse à recherche pour tous une vie de qualité. C’est ainsi que nous sortirons vivants et reconnaissants, heureux de découvrir que la vie simple et partagée a un goût sublime.
11.4.2020
Samedi-Saint
Entre Vendredi-Saint et
Pâques
Un jour vide, creux.
Rien ne se passe, les
disciples sont enfermés, tétanisés.
Il est mort sur la croix
Et mis au tombeau.
Samedi,
Un jour sans rien,
Avec seul l’espoir tenu
D’une lumière à venir.
Un temps vide, creux.
Nous sommes enfermés dans
nos appartements et nos peurs.
Dans une attente qui
s’étire.
Samedi,
Entre les souffrances et
les errances.
L’espoir de retrouver les
nôtres
Et de pouvoir exprimer
notre tendresse.
Tout semble s’être arrêté,
Sauf celles et ceux grâce
à qui nous pouvons survivre.
Ils nous soignent, ils
nous permettent de nous nourrir et de communiquer malgré tout.
Ils sèment tant de graines
de solidarité et d’amour.
Dieu nous fait des signes
d’espérance !
Demain ce sera Pâques
Les risques et la promesse
Vu mon âge, je suis une personne à risques. D’ailleurs autour de moi il y a plein de personnes à risques. Il y a les retraités, mais pas seulement. Car de nombreuses personnes ont des maladies chroniques et des traitements, contre le diabète, l’hypertension, l’asthme ou des allergies. Elles sont toutes à risques.
Ceux qui ne sont pas eux-mêmes à risques ont dans leur entourage une personne vulnérable, fragile ou malade. Nous sommes tous en lien avec des femmes ou des hommes fragiles et nous dépendons les uns des autres.
« Autrefois », je veux dire avant l’apparition du virus, il n’y avait pas de personnes à risques. Que des biens portants, forts, courageux, musclés, beaux. Ils faisaient la fierté de notre société occidentale bien développée. Tout le monde était heureux, les affaires allaient bien, la bourse bondissait de joie. Les seniors et les personnes atteintes dans leur santé faisaient tout pour vivre en harmonie avec les bien portants, forts et courageux, si bien qu’il n’y avait pratiquement plus de différences.
Juste les très vieux, les très malades et les « quand même un peu bizarre » ne participaient pas au bal. On les mettait à part, dans des maisons spéciales, ou dans des hôpitaux ou alors on les laissait seuls dans leur coin.
Aujourd’hui, nous sommes tous retirés dans notre coin. Confinés comme on dit. Pour éviter les contacts et ainsi arrêter la progression du virus. Nous sommes tous à risques, tous fragiles, tous vulnérables, tous susceptibles de recevoir le virus et de le transmettre.
Plus qu’avant, nous nous rendons compte à quel point nous avons besoin les uns des autres. Pour nous approvisionner et nous soigner bien sûr. Mais aussi, pour parler, pour pleurer, pour souffler et soupirer. Les autres sont indispensables pour nous, peu importe qu’ils soient à risques ou sans. Nous avons besoin de ces contacts, de ces partages, des mots, des signes, des émotions.
Et ça se passe. Des hommes et des femmes, beaucoup de jeunes manifestent leur solidarité avec joie, créativité et inventivité. Ils ne se résignent pas, mais ils trouvent des moyens souvent surprenants d’aider et de soutenir. Ils permettent ainsi que la vie soit possible et généreuse. Et comme par enchantement ce réseau de contacts et de solidarités favorise la re-découverte du sens de notre existence, il nous approche des valeurs essentielles.
J’espère qu’après le virus, lorsque la vie reprendra son cours, nous garderons vivaces des réseaux de solidarité et d’entraide. Qu’à travers ce temps de confinement et de solitude aussi, nous mûrirons et nous approfondirons notre recherche des valeurs essentielles. C’est ainsi que nous vivrons consciemment en lien avec la création et son créateur. Nous découvrirons une nouvelle proximité et la vie aura un goût nouveau. De plus, ceci permettra aux eaux de se régénérer et à la planète de souffler.
13.3.2020
Mourir
Mourir c’est confier le monde à ceux qui restent. Le leur laisser. Se dessaisir de ce qu’on a, de ce qu’on est, tout en continuant d’aimer.
Comme on dit au revoir lorsqu’on part pour un voyage. Se retirer du monde ou aller vers un autre monde. Aller avec entrain vers un autre monde en se retirant.
A un certain moment il faut accepter de ne pas tout comprendre. La mort, la vie et après la mort. Ne pas tout comprendre ne pas pouvoir tout expliquer. Et essayer de recevoir la mort et les questions comme je reçois la vie.
(14.1.2019)
Exit
Il est sorti. Il est parti. Seul ou en couple, un suicide assisté. Mais un suicide quand même. Un suicide payant. Un suicide avec une bonne conscience. Un suicide de privilégiés.
Il ne s’agit pas de juger. Mais de comprendre et de mettre des mots.
Je comprends que l’on ne veuille pas supporter les souffrances et la déchéance. Mais pourquoi ne pas accepter la vieillesse. Et l’affaiblissement normal.
Bien sûr que c’est déprimant, la fin de la vie. Mais pourquoi l’abréger, cette fin.
S’il y a de la souffrance, je comprends que l’on veuille en finir, mais sinon.
Comment je me situe alors face à Dieu. Et ce don de la vie ?
Ce qui me gène c’est que c’est quand même une question de privilégiés. On se situe au-dessus de la vie et de la nature corporelle. On en a les moyens et on peut le faire en toute bonne conscience. En plus on demande compréhension et empathie.
(29.9. 18)
Parfois lorsque le soir tombe, je sens ma fragilité et mes manques. Ma vulnérabilité et mes peurs. Mon indécision face à la vie. Le soir tombe et je me sens tout seul sur cette terre. Comme un orphelin. Sans appuis ni référence. Le soleil est couché, il n’y a plus d’ombres, la nature est plongée dans une pénombre, les dernières lueurs à l’ouest diminuent. Je suis là, dans un souffle.
Puis les étoiles apparaissent une à une. Et je me souviens qu’il y a du-delà de la terre des feux et des astres, des personnes peut-être et Dieu qui veille à tout cela. Dieu qui se cache dans les étoiles ou plutôt entre les étoiles, dans les espaces infinis et en même temps il habite dans mon cœur.
Je me souviens aussi que Dieu a invité Abraham à contempler le ciel et à compter les étoiles, et ça m’émeut.
Dieu est une présence, une présence bienveillante. Il me dit que j’ai le droit de vivre et d’aimer et d’être heureux. Je ne dois pas faire d’efforts pour cela, car la vie est un don de Dieu. Le don de son amour, de sa grâce.
C’est pour moi la découverte la plus fantastique de la foi en Dieu et Jésus-Christ : J’ai le droit de vivre pleinement. La vie qui m’est donnée. Je ne dois pas faire des sacrifices, je ne dois pas accomplir des devoirs ou obéir à des ordres. Je peux vivre librement, aimer librement, découvrir le monde librement, parce que Dieu nous aime et nous veut libres.
Dieu nous permet d’inventer, de créer et de découvrir. Il veut que nous découvrions le respect des choses, des personnes et de la vie. C’est une attitude créative qu’il veut nous offrir et nous amener à découvrir.
Dans la grotte
(Notre Dame de Remonot)
Je suis émerveillé par cette grotte-chapelle, Et vous avez vu que derrière la grotte il y a comme une autre grotte. Voyez la source d’eau, fraiche, claire, dont le bruit est amplifié par les parois de la grotte. Il fait sombre, humide, l’air est frais, l’eau coule on se sent comme au milieu de la terre, dans entrailles de la terre. Il n’y a que peu de décoration. La grotte est vierge, vide, nue, avec cette source de vie et de renouveau. C’est un lieu de guérison et d’espérance !
La grotte était connue déjà du temps des druides. L’eau de sa source guérit de certaines maladies des yeux, dit-on, c’est ce qui est arrivé récemment à un habitant de la région.
Aujourd’hui la chapelle est dédiée à Marie, avec des ex-voto, des remerciements pour des guérisons et d’autres signes de piété. Vous avez vu les inscriptions : Marie prend pitié, Dieu prend pitié ou encore : le prix d’une âme. Ce sont des appels à Dieu, pour qu’il prenne soin qu’il guérisse, qu’il sauve.
* * *
Marie était vierge pour concevoir l’enfant Jésus dit la Bible. Vierge, sans homme, sans autre préoccupation que l’enfant qui vient, pas encombrée, libre. Quand elle reçoit le message de l’ange elle dit juste : « Je suis la servante du seigneur ». Comme pour dire, je n’ai rien d’autre, pas d’ambition, aucun projet.
Je ne sais pas comment c’est possible qu’une vierge donne la vie à un enfant. C’est un mystère que personne ne peut élucider. Certains pensent que c’est une légende pour attirer l’attention sur cette naissance, ou un récit arrangé pour affirmer l’origine divine de l’enfant Jésus.
Mais ce n’est pas là l’essentiel, car la présence divine dans ce monde n’a pas besoin de la preuve des entrailles de Marie. De toutes manières la naissance de Jésus marque nos esprits, car elle nous conduit à la présence de la lumière de Dieu dans notre nuit.
A Noël nous sommes comme les porteurs de cet enfant et de sa lumière. Pour cela nous avons à devenir comme Marie. Vierges et réceptifs. Débarrassés de ce qui nous encombre, des obstacles, des parasites intérieurs qui nous voilent la face et les sens. Pour être disponibles pour lui, le recevoir, le concevoir, le faire naître, le laisser grandir.
* * *
L’important n’est pas Marie, ni la grotte, ni sa virginité, mais celui qu’elle porte. Jésus. Et c’est pour le recevoir que nous devenons aussi, vides, libres, libérés, désencombrés, comme vierges. Prêts à l’accueillir dans nos cœurs neufs, dans nos vies ouvertes, nos sens et nos espérances en attente.
Il faut se débarrasser du brouhaha qui parasite nos oreilles et nos cœurs qui nous encombre et nous embarrasse, Que nous soyons prêts à ouvrir nos cœurs et nos sens à recevoir sans filtre Dieu et le message de Jésus : Dieu est parmi nous dans la simplicité des cœurs, des vies, des rencontres, des mains ouvertes, des gestes de paix, et de la justice.
Soyons ouvert pour partager avec les hommes et les femmes que nous rencontrons. Sachons reconnaître la beauté de la vie, la promesse du renouveau, la source d’eau fraiche comme des dons de Dieu.
* * *
La source jaillit dans le vide des entrailles de la terre. Dans une matrice vide, vierge qui guérit, les cœurs et les âmes, les corps aussi. Pensons à ceux qui aujourd’hui ont besoin de guérison de ressourcement et de renouveau. Soyons prêts à recevoir le petit, la petite, le jeune, la vieille, la triste, le beau, l’ami, l’inconnu. Pensons à ceux qui sont blessés par la violence, la guerre, la méchanceté, la dureté de la vie. Ceux qui sont tristes, déprimés, en deuil…
Il y a comme une parallèle. De même que ventre de Marie était vierge, ou neuf lorsqu’elle a reçu l’enfant Jésus, le tombeau de Jésus aussi était neuf, lorsque on y a déposé Jésus. C’était un autre départ celui du vivant, du ressuscité qui a porté la vie de Dieu jusqu’au bout du monde et du temps.
Dans la grotte, qui est vide de tout la source jaillit pour le pèlerin pour nous et pour tous ceux pour qui nous prions. Que Noël nous permette à être vierges et vides et disponibles et ouverts pour la source de vie qui vient de Lui. Qu’elle grandisse en nous et nous fasse porter cet amour et cette espérance de Dieu.
Morteau le 24.12. 2017
Le virtuel de Dieu
Sur facebook, ils sont 31’797 à dire « Dieu merci ». Les amis anglais de "God" quant à eux sont presque 900'000. En revanche, il y a peu d’amis de "Gott" – allemand. Notez que Buddha a 450'000 amis et Allah plus d’un million… Mais avec un chiffre qui dépasse largement les 10 millions, Jésus est celui qui a le plus d’amis-facebook.
De vrais amis, de faux amis, des amis réels, ou juste quelques points lumineux alignés sur un écran. Ou alors est-ce Dieu, God, Buddha etc. qui sont virtuels ?
« Etre ou ne pas être, voila la question. » En chair et en os, ou par des signaux en surbrillance, dans les cieux ou sur la terre, dans les serveurs ou auprès des serviteurs.
La Bible n’exprime aucun doute sur l’existence terrestre de Jésus de Nazareth, vrai homme, en chair et en os. Il marche, il mange, il souffre, il dort, réellement, totalement, il a des amis, il est triste, il aime, il parle et cherche à se faire comprendre.
Par contre la nature de Jésus ressuscité est d’une autre dimension. Il apparaît, il disparaît, il est entouré de lumière, reconnu, méconnu. Une autre réalité, transparente, lumineuse… surnaturelle, virtuelle, spirituelle, transcendante ?
Et pourtant sa présence donne une impulsion phénoménale. Souffle, force ou une légère brise, elle nous met en mouvement, elle nous pousse à sortir de nos claviers et de nos écrans. Son esprit nous invite à nous lever et à nous rencontrer au-delà des apparences et des images, à regarder l’autre, voir en lui une présence divine, le toucher, le rencontrer, cheminer avec, danser.
juin 2011La liberté du souffle
Le Saint-Esprit a-t-il encore quelque chose à faire avec le souffle? Ou bien n’est-il plus que le Saint ? Peut-être qu’on a voulu le canaliser, le pousser à répéter le message de l’Eglise et qu’il ne souffle plus.
Mais comme on ne peut pas l’arrêter, il souffle quand même, ailleurs, autrement, là où des hommes et des femmes s’engagent, luttent et meurent parfois pour l’amour et la vérité.
L’idée de vouloir canaliser le Saint-Esprit vient de loin. Déjà le récit biblique (Actes 2) ne s’attarde pas à l’action du vent et des flammes. En revanche, il explique toute l’histoire du salut en vue de recruter de nouveaux disciples.
Le bruit, le souffle, le vent et les langues de feu. Tous comprennent d’où qu’ils viennent. Le souffle, la flamme. Ce ne sont ni les discours, ni les arguments, ni la prière, ni la religion qui sont déterminants. Mais le souffle, qui vient et qui va, doux parfois, rugissant à d’autres moments. Toujours imprévisible, inattendu, au-delà des doctrines et des classifications. Il touche notre être, nos sens, nos coeurs, notre intimité.
Les flammes, le vent, les voix. Pour certains cette manifestation provient du fond de la sagesse, ou du rythme de l’univers, pour d’autres c’est l’esprit divin. Mais c’est toujours la même certitude, la vérité et la force divine sont imprévisibles. Elles amènent la délivrance, le renouveau. C’est le même, Lui, Dieu, révélé, soufflé. Et cette impossibilité de lui donner des limites, de l’enfermer dans nos théories et nos croyances, de le canaliser. Nous sommes tous les enfants du même esprit, appelés à participer à sa création d’amour et de vérité.
Pentecôte 2013
Le grand rassemblement
Jésus est ressuscité!
La vie triomphe de la mort et de la haine, pour Lui, pour nous, pour les hommes, les femmes du monde entier et de tous les temps. Nous nous retrouverons tous un jour, ressuscités auprès de Dieu.
Je trouve cette perspective est absolument passionnante.
Imaginez-vous : Revoir mon père, ma sœur, mon arrière-grand-mère, tous mes ancêtres, ceux que j’ai aimés, ceux qui m’ont choyé, ceux qui je n’ai jamais voulu voir. Et aussi, Sven et Myriam, Abdel, Sue, Cristina et Kim, tous réunis auprès de Dieu.
Cléopâtre et son conducteur de char, le beau Salomon, la reine de Saba. Et encore, les bergers du désert, la paysanne du Sahel, Ötzi, les défricheurs du Jura, le petit cordonnier, la lingère et celle du marché, les horlogers, les dentelières. Marie, Hans et Han, tous réunis auprès de Dieu.
Nous ne pouvons qu’imaginer ce que sera ce rassemblement, nous en réjouir, le craindre peut-être. Nous serons là, tous ensembles avec Dieu, avec Jésus et avec tous ceux et celles pour qui il est venu. Nous chercherons à nous comprendre, à nous interroger et à nous intéresser les uns aux autres. Mais surtout : Nous ressentirons la même joie, la même proximité, la même intimité avec Dieu. C’est ça la vie éternelle !
Et aujourd’hui, c’est comme un avant-goût qui nous est offert. Lorsque nous communiquons et que cherchons ensemble, lorsque nous avons des visions pour la planète, que nous créons, que nous inventons, que nous imaginons un monde meilleur, sans nous demander d’abord d’où vient celui qui s’engage avec nous et quel est son Dieu. La vie éternelle est ici, maintenant, lorsque nous voyons en l’autre un visage aimé de Dieu et que nous cherchons à construire un avenir de paix.
Du reste l’enfer aussi est ici et maintenant, lorsque je me prive de rencontrer les autres, parce que je ne veux pas à sauter par-dessus mon ombre. Lorsque je ne vois que des étrangers et des profiteurs, que j’érige des clochers en tour de garde, que je veux maintenir mes privilèges, plutôt que de m’ouvrir au contact et au partage.
Le royaume des cieux, la vie éternelle, c’est là où tous,
noirs et blancs, européens, asiatiques et latinos, nous nous retrouvons avec
Lui, le ressuscité, Jésus de Nazareth. Là où sont conviés Mohammed et
Fatima, Gandhi et Sœur Emmanuelle, toi et moi et nous tous. Un monde nouveau,
où nous nous reconnaissons tous enfants de Dieu.
2009
L’œuf ou la poule
L’œuf et sa forme ronde sans fin qui indique le cycle des recommencements, ou la poule qui montre que la vie s’inscrit toujours dans un temps, une histoire, un parcours, un ici et maintenant.
En cette période de Pâques, on a bien le droit de se poser cette question. L’œuf et la poule et les lapins, la fécondité et la vie. Et la croix, tout s’en va.
La rondeur de l’œuf et sa dimension perpétuelle, le lapin et
la poule qui égaient notre vie. Alors que le symbole des chrétiens évoque la mort et la
souffrance. Et tous les pourquoi de nos ruptures !
Faut-il alors casser les œufs et tuer les lapins pour
célébrer Pâques ? Ou casser le bois et les croix et se réjouir du printemps ?
La vie est bien plus complexe que ça. Elle est faite d’œufs et aussi de croix, de souffrances mais aussi de la fraîcheur de la vie qui revient. Et Lui, qui a tout créé, Il nous invite à regarder tout ça avec curiosité et confiance et à nous en réjouir.
A cogner les œufs ensemble et à laisser filer les lapins.
2009
Odeur d’espérance
L’espérance. Une odeur qui me vient d’ailleurs. Elle donne à ma réalité une dimension nouvelle, une force, un élan, ne vérité éclatante.
L’espérance transcende mon quotidien, mes attentes, mes craintes et mes projets. Elle est une nouvelle qualité de vie,comme un feu intense et brulant. Elle me permet d’être confiant et heureux.
* * *
« Tout ça est bien joli », me direz-vous, « et peut-être c’est même vrai ». Mais qu’espère celui qui a mal, celle qui est clouée au lit, ou la personne isolée. L’espérance n’est-elle là que pour les biens-portant… un luxe ?! Pour les autres, juste une pilule de consolation, un peu euphorisante « l’opium du peuple », comme disait Karl Marx au sujet de la religion.
Et c’est vrai: La réalité reste et nos problèmes aussi,
et la maladie et le deuil et la solitude, les conflits, les tentions restent.
L’espérance ne nous débarrasse en rien de tout cela. Mais l’espérance indique la présence d’une autre réalité
que la mienne, même lorsque celle-ci est toute noire. Elle me suggère une autre
dimension, un autre espace. Mystère, silence, lien avec Dieu et son esprit, où l’amour
et la tendresse de Dieu sont présents dans l’absence même.
Je ne peux pas convaincre une personne d’espérer ou que l’espérance existe. Et j’aurais mauvaise conscience de chercher à le faire face une personne qui est dans la détresse. (C’est comme si j’abusais de sa faiblesse et de son dénuement).
En revanche, il m’importe de garder intacte ma propre espérance, d’exercer mon regard à voir aussi l’autre dimension, faite de lumière, de beauté, d’émotion et d’émerveillement. De garder le lien avec le mystère de la vie, avec cette certitude que tout n’est pas figé qu’une respiration est possible encore.
* * *
Avec son goût d’éternité, son parfum de salut, l’espérance me donne de voir l’appel de Dieu avec les yeux de la foi. De voir au-delà des apparences, là où je ne peux rien toucher, rien saisir, rien prouver. Sentir ce souffle qui donne un espace, une ouverture, une aspiration, une dimension nouvelle. Tout n’est pas fermé, tout n’est pas bloqué, tout n’est pas dit. Ainsi l’espérance me pousse à rendre sensible ce qu’on ne peut pas rendre visible, à rendre évident ce qui n’est pas tangible. Elle me pousse à rayonner cette confiance dans une création appelée à transcender le temps et l’espace. Elle me donne à vivre l’appel et le mystère de Dieu.
« Espère et fais ce que tu veux [1]». A chacun de nous d’inventer des mots, des signes, des engagements qui permettent de faire rayonner cette dimension fondamentale de la vie.
1] Paraphrase de Saint-Augustin : « Aime et fais ce que tu crois »
décembre 2010
Transparence… (à l’occasion de Vendredi-Saint)
La croix, marquée en noir sur fond de couleur. Rouge, violet, violence. Bleu et jaune aussi.
Le sang se mêle au ciel et le soleil obscur.
A l’horizon pointe le matin subtil de Pâques.
Orange,
vert, lumineux, blanc, toutes
les couleurs de Dieu.
Jésus
transforme en arbre de vie la croix rigide et noir. En
lui elle devient porteuse de fruit.
Le noir et le gris, le brun et le rouge. Le sang et la mort sont traversés de lumière. Le bleu et le jaune. La clarté transperce le mal. Dieu vient. Il rayonne au fond de nos enfermements, de nos tombes et de notre mort.
La clarté et la lumière. Les couleurs de la passion. Rouge, lumineux, vert. Dieu renouvelle sa création. Les corps de terre et de boue deviennent transparents. La résurrection les transperce comme une promesse.
Le
Christ vient. Dieu
lumineux. Couleurs
arc-en-ciel. Dieu
de vie et d’espérance.
Au-delà
des apparences, transparence. Au-delà
de nos fragilités, de nos brisures et de nos blessures, la
présence de Dieu.
Au
cœur de l’humanité en douleur perce
la lumière de Dieu.Elle
transcende la souffrance et le mal. Les
croix dressées, les
déportations, la violence, la guerre.
Les
corps sont brillants. La
lumière de Dieu les irradie. Ils
dansent. Leurs
couleurs scintillent. Ils
s’éclatant dans l’univers, cristallins.
Dieu
en nous. Sa
lumière reflète sa présence. L’opacité
est vaincue. La
lumière de Dieu transparaît du
Christ sur la croix.
Dans
la souffrance, malgré
la souffrance, par-derrière
la souffrance, à
travers le mal et la douleur rayonne
la Pâque d’une l’humanité guérie. Couleurs
et lumière d’un
jour nouveau.
10.4.2009
Les risques et la promesse
Vu mon âge, je suis une personne à risques. D’ailleurs autour de moi il y a plein de personnes à risques. Il y a les retraités, mais pas seulement. Car de nombreuses personnes ont des maladies chroniques et des traitements, contre le diabète, l’hypertension, l’asthme ou des allergies. Elles sont toutes à risques.
Ceux qui ne sont pas eux-mêmes à risques ont dans leur entourage une personne vulnérable, fragile ou malade. Nous sommes tous en lien avec des femmes ou des hommes fragiles et nous dépendons les uns des autres.
« Autrefois », je veux dire avant l’apparition du virus, il n’y avait pas de personnes à risques. Que des biens portants, forts, courageux, musclés, beaux. Ils faisaient la fierté de notre société occidentale bien développée. Tout le monde était heureux, les affaires allaient bien, la bourse bondissait de joie. Les seniors et les personnes atteintes dans leur santé faisaient tout pour vivre en harmonie avec les bien portants, forts et courageux, si bien qu’il n’y avait pratiquement plus de différences.
Juste les très vieux, les très malades et les « quand même un peu bizarre » ne participaient pas au bal. On les mettait à part, dans des maisons spéciales, ou dans des hôpitaux ou alors on les laissait seuls dans leur coin.
Aujourd’hui, nous sommes tous retirés dans notre coin. Confinés comme on dit. Pour éviter les contacts et ainsi arrêter la progression du virus. Nous sommes tous à risques, tous fragiles, tous vulnérables, tous susceptibles de recevoir le virus et de le transmettre.
Plus qu’avant, nous nous rendons compte à quel point nous avons besoin les uns des autres. Pour nous approvisionner et nous soigner bien sûr. Mais aussi, pour parler, pour pleurer, pour souffler et soupirer. Les autres sont indispensables pour nous, peu importe qu’ils soient à risques ou sans. Nous avons besoin de ces contacts, de ces partages, des mots, des signes, des émotions.
Et ça se passe. Des hommes et des femmes, beaucoup de jeunes manifestent leur solidarité avec joie, créativité et inventivité. Ils ne se résignent pas, mais ils trouvent des moyens souvent surprenants d’aider et de soutenir. Ils permettent ainsi que la vie soit possible et généreuse. Et comme par enchantement ce réseau de contacts et de solidarités favorise la re-découverte du sens de notre existence, il nous approche des valeurs essentielles.
J’espère qu’après le virus, lorsque la vie reprendra son cours, nous garderons vivaces des réseaux de solidarité et d’entraide. Qu’à travers ce temps de confinement et de solitude aussi, nous mûrirons et nous approfondirons notre recherche des valeurs essentielles. C’est ainsi que nous vivrons consciemment en lien avec la création et son créateur. Nous découvrirons une nouvelle proximité et la vie aura un goût nouveau. De plus, ceci permettra aux eaux de se régénérer et à la planète de souffler.
Je suis mort et je chante doucement
« J’étais vivant j’habitais la forêt. J’en ai été extrait par une hache cruelle. Tant que je vivais, j’étais silencieux. Maintenant que je suis mort, je chante doucement » Cette inscription que j’ai découverte sur un clavecin du 16ème siècle m’a émerveillé.
L’arbre dans sa forêt résiste à la chaleur et à la tempête, mais il reste silencieux. Une fois son bois travaillé et placé dans l’instrument, il chante. Grâce au savoir-faire et au travail patient de l’artisan, puis aux doigts agiles de l’artiste, le bois chante pour notre joie à tous.
Tout est dit. L’arbre, la forêt, le savoir-faire, le travail, le génie musical et la joie des auditeurs. Pris isolément, chaque moment de ce bois a son importance, mais c’est dans la combinaison et la succession des opérations qu’il prend tout son sens. Sous les doigts de l’artiste, il apporte la chaleur et l’harmonie, le bien-être et la joie.
Les cordes vibrent, le bois se met à chanter, la joie entre dans nos demeures. Les odeurs de cannelle et de girofle, de biscômes et de vin chaud. L’Avent, c’est la douce mélodie de Noël qui vient. Des chants, des enfants et des anges, les lumières et l’attente de la naissance. L’avant-goût de cette naissance si particulière, du fils qui va apporter à la terre son renouveau et qui transforme toute l’humanité.
Le bois de la crèche, puis celui de la croix. Comme pour le clavecin, c’est sur un bois mort, une croix, que le salut va éclater et apporter un chant nouveau à toute la création. Celui de la vie et de l’espérance, de Noël. Il annonce Pâques.
Penser le tout
On nous a appris à séparer. Le noir du blanc, les hommes des femmes, les animaux des humains, le monde animal et végétal, les bons des mauvais, l’ivraie du bon grain… Comme s’il fallait séparer pour avancer, délimiter pour progresser, éliminer pour se sauver. Notre civilisation va dans ce sens. Séparer, délimiter, se sauver tout seul, discriminer.
Il faut être du bon côté. C’est tout. Le reste, la vérité, les pensées, l’éthique, les religions tout ceci n’est que secondaire. C’est ce qu’affirme l’économie, tant pis pour les grandes injustices qui s’observent aujourd’hui par exemple dans la distribution des vaccins. Tant pis pour les pauvres, pourvu que nous soyons à l’abri. Cette manière de vivre amène la ruine de la société, des relations, du climat et du monde.
Aujourd’hui et plus que jamais, il nous faut penser ensemble les humains de tous les pays, de toutes les pensées et de toutes les races. Penser les hommes avec les autres êtres vivants, les animaux, les plantes, car, et notre chair nous le rappelle, nous sommes des êtres vivants. C’est ensemble, avec les autres, que nous sommes vivants, aussi nous avons à prendre soin les uns des autres.
L’âme et la conscience qui nous habitent ne sont pas là pour nous couper des autres ou pour nous glorifier d’une supériorité, mais bien plus pour nous souvenir que le lien que Dieu inscrit dans nos cœurs nous appelle à cultiver cette terre et à en partager ses bienfaits.